mercredi 30 janvier 2013

Pour comprendre la guerre civile espagnole : tentative de résumé...

     Puisque je relance des projets autour de la guerre civile espagnole, je republie un article encore disponible sur mon ancien blog (mais au cas où...).
     Lors de sa première mise en ligne, il avait l'objet de commentaires "partisans". Je rappelle que mon objectif n'est pas de prendre part au débat qui oppose depuis des décennies les nostalgiques des deux camps mais simplement de permettre à ceux qui ne connaîtraient pas ce conflit d'y voir un peu plus clair.

    Au départ, il ne me semblait pas utile de mettre sur mon blog un historique de ce conflit. Mon objectif premier était surtout de parler figurines et maquettes mais mes derniers articles ont amené quelques questions de notre ami (par blog interposé...) Patrice auxquelles je vais tenter aujourd'hui d'apporter des réponses aussi claires que possible.
    Avant de commencer, je tiens à mettre en garde celui qui voudrait se documenter sur la guerre civile espagnole par le biais d'internet : les sites consacrés à ce sujet sont nombreux mais beaucoup présentent des points de vue très partisans. Cela va des "nostalgiques" du franquisme aux anciens combattants républicains (qui racontent souvent "leur" guerre et exposent "leur" vision) en passant par des anarchistes (nostalgiques eux aussi...) qui -bien que n'ayant pas vécu le conflit - font plus oeuvre de propagande que d'histoire.
    Ayant fait des études d'histoire, j'ai donc décidé de baser cet article sur des ouvrages d'historiens et de croiser les sources. Cela me permettra ainsi d'avoir une vision la plus objective possible (les historiens n'en sont pas moins des hommes et il leur arrive parfois de se laisser emporter par leurs passions... mais cela reste rare).
    Je commencerai donc cet article en vous présentant quelques livres que je vous invite à consulter si vous désirez approfondir le sujet. Mon but n'est pas de dresser une bibliographie exhaustive mais de vous fournir, éventuellement, quelques pistes de lecture.
    Ayant fait mes études à Toulouse, Bartolomé Bennassar est un historien que je lis toujours avec grand plaisir. Spécialiste, au départ, de l'Espagne des XVIème-XVIIIème siècles, ses derniers travaux l'ont amené, avec bonheur,  à s'intéresser à Franco et à la guerre civile. L'histoire des Espagnols qu'il a dirigé figure encore en bonne place dans les bibliographies données aux étudiants. Ouvrage abordant toutes les grandes périodes de ce pays, il consacre un chapitre à la guerre civile. Plus spécifique, la guerre d'Espagne et ses lendemains évoque tous les aspects du conflit (politiques, militaires, humains) et ses conséquences. D'autres auteurs se sont penchés sur la question. Je n'en citerai que trois : Guy Hermet, un autre français, auteur de "La guerre d'Espagne", Hugh Thomas, un historien anglais ayant écrit un ouvrage du même titre que celui cité précédemment et enfin Gabriele Razato, universitaire italien, qui n'a pas cherché l'originalité en intitulant son petit livre "la guerre d'Espagne"...  Tous ces ouvrages se trouvent facilement sur internet.
J'ai utilisé un dernier livre de la collection "Chroniques de l'Histoire, 20ème" : Francisco Franco qui propose de suivre Franco "au jour le jour" et offre ainsi une chronologie assez complète de cette guerre.


    Commençons donc...
    L'Espagne voit la naissance de la République en 1931 après un début de siècle marqué par une monarchie agonisante s'en remettant à la force des militaires. C'est déjà un événement mais l'élément clé va être la victoire aux élections de 1936 du Frente Popular (Front populaire) constitué par les forces de gauches.


    De nombreux officiers ne cachent pas leur hostilité à cette nouvelle république. Aussi le gouvernement juge-t-il plus prudent d'en éloigner certains de Madrid dont le Général Mola qui sera l'âme du complot à venir mais aussi un certain Francisco Franco Bahamonte qui sera envoyé aux Canaries. Le signal du golpe (du coup d'état) sera donné par la garnison militaire du Maroc le 17 juillet 1936. Pour les "rebelles", ce coup d'état entame une lutte à mort contre les "Rouges".  En métropole, le soulèvement est un échec : les principales villes du pays, les régions industrialisées (Catalogne, Pays Basque, Malaga) demeurent aux mains de la République. Comment les nacionales ont ils fait pour prendre le dessus ?  Il faut d'abord savoir que parmi les militaires beaucoup d'officiers expérimentés sont passés dans le camps des mutins. Les zones rurales sont hostiles à la République et à ses politiques athés et anti-cléricaux. En Navarre, les carlistes, catholiques traditionalistes, se rallient aux mutins ; ils constituent une troupe de 30 000 hommes expérimentés. Dans tous le pays, les Falangistas (mouvement d'extrême droite) s'engagent dans la lutte contre la République.

    Mais ce qui va faire basculer le conflit c'est l'arrivée en métropole des troupes stationnées au Maroc. Ce transfert n'a pu se faire par mer car la marine est restée fidèle à la République. Le transport de troupe se fera donc par les airs à bord d'avions fournis par l'Allemagne nazie et l'Italie mussolienne. Hitler avait en effet accueilli le 25 juillet 1936 une délégation "nationaliste" et avait décidé alors de soutenir leur action. Mussolini n'avait pas voulu être en reste. On voit comment le conflit a commencé à dépasser les frontières espagnoles. L'Armée d'Afrique composée de  troupes de la légion (le Tercio) et de troupes  "indigènes" (les regulares) constituait, à l'époque, le fer de lance de l'armée espagnole.  Elle est placée sous le commandement du général Franco.


   
 
La République dispose de troupes régulières restées fidèles mais aussi de milices communistes, anarchistes, trotskystes... qui se montreront parfois difficiles à encadrer. Certaines milices votent avant de monter au front...
    Les pays d'Europe décident d'adopter une politique commune de neutralité afin de ménager la fragile paix sur le continent. Seule l'URSS envoie du matériel à la République espagnole (en échange de son or...).

   
Cette guerre fascine la jeunesse d'Europe et surtout ceux de sensibilité de "gauche". Beaucoup d'entre eux décident de passer clandestinement en Espagne pour aller défendre la République menacée. Le mouvement se structure ; c'est ainsi que naissent les Brigades internationales. On trouve  dans leur rang des Français, des Anglais, des Polonais, des Russes,  des Tchèques, des Roumains mais aussi des Américains.                                                                                                                                       
    Ainsi cette guerre devient-elle une répétition générale... L'Allemagne envoie la tristement célèbre "Légion Condor" et l'Italie fournit aux nacionales un contingent. Des panzers I  affronteront les chars soviétiques T26.  L'Espagne se transforme en laboratoire. 

Le bombardement de Guernica vu par Pablo Picasso
(A un officier Allemand qui demandait à Picasso "C'est vous qui avez fait ça ? ", celui -ci lui répondit : "Non, c'est vous. ...")
    Ce conflit durera trois longues années faites d'atrocités commises par les deux camps et il débouchera sur la prise de pouvoir par le Généralissime Franco "el Caudillo" pour trente ans.



Au départ, rien ne destinait Franco a prendre la tête du Mouvement. Mais la baraka en a décidé autrement : au départ, le général Sanjurjo, surnommé le "Lion du Rif", devait être le chef du soulèvement mais il mourut dans un accident d'avion en quittant le Portugal pour se rendre à Burgos et prendre la tête de la rébellion.  Seul Mola pouvait empêcher Franco d'être le successeur de Sanjurjo mais le 1er octobre 1936, la junte militaire lui accorde tous les pouvoirs.

J'espère que ce bref résumé permettra à ceux qui le souhaitent de mieux comprendre cette guerre. Je n'ai pas placé de chronologie afin d'éviter de surcharger cet article.

Philippe

7 commentaires:

  1. Merci pour cet excellent résumé (et pour toutes les mises en garde bien nécessaires) !

    Question, est-ce que je eux faire un lien vers ton article sur l'un des forums dont je suis administrateur ? Ou mieux encore, que tu t'inscrives sur le forum en question de manière à ce que tu postes toi même cet article ! ;)

    http://jeuxdeguerre.forumactif.org/

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  2. merci à toi
    juste une remarque vieux souvenir de cours, le front populaire n'a pas envoyé de matériel ?
    je compte acheter le beavor, qu'en penses tu ?

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    1. Le Front Populaire a effectivement envoyé de façon officieuse une aide matérielle mais rien à voir avec l'aide fournie par Moscou ou celle fournie par l'Allemagne et l'Italie au camp nationaliste.

      Le livre de Beavor est bien. Je l'ai lu avec beaucoup d'intérêt.

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  3. Bon pour moi, il est impossible de faire un résumé de cette guerre sans qu'il y ait un avis "partisan". Celui des historiens que tu cites, n'est-il pas le point de vue "démocratique-libéral"? Pour moi oui. Cela n'empêche pas que cela soit de bonnes références, comme certains sources de divers bords... après on se fait son avis. Cela dit le terme "trostkyste" que tu utilises ( j'imagine en parlant du POUM ) est impropre. Il est malheureusement souvent trop utilisé. Certes Nin et d'autres avaient déja rencontrés Trotsky, mais ils étaient aussi d'ancien cénétistes. Les trostkystes existent en Espagne mais ne sont que quelques dizaines, divisés en plusieurs scissions. Le POUM est un parti marxiste révolutionnaire qui n'est même pas léniniste dans le sens où il estime que la révolution doit se faire non sous la direction d'un parti, mais par l’alliance ouvrière.
    A noter aussi que contrairement à ce que tu dis, certains anarchistes font du très beau boulot d'historien (s'intéressant même sérieusement au côté militaire) avec les Giménologues de Marseille, leur imposant livre "les fils de la nuit" en est un témoignage solide.
    SALUDOS!

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    1. Je vois que j'ai affaire à un spécialiste ! Grand merci pour ces précisions ! Les historiens que je cite font preuve d'une grande rigueur scientifique (même si derrière chacun d'eux se cache un homme et ses convictions...) reconnue par leurs pairs. L'histoire des milices et des mouvements politiques en Espagne et notamment l'anarchisme et je n'ai pas voulu trop entrer dans les détails afin de ne pas compliquer cette synthèse et afin de ne pas risquer de raconter trop de bêtises. Comme le disais Paul Valéry : "Ce qui est simple est faux. Ce qui ne l'est pas est inutilisable". Cela se vérifie encore une fois...
      Merci encore pour ce commentaire.
      Hasta la victoria !

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